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Un Crémant d'Alsace plongé à 25 mètres sous l’eau dans un lac : à la dégustation, il paraît étonnamment jeune.
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Ce vendredi 16 mai, un moment insolite s’est déroulé au cœur de la base nautique de Colmar-Houssen, en Alsace : 24 bouteilles de Crémant d’Alsace, issues du domaine viticole Muré, ont été sorties des profondeurs du lac, où elles reposaient depuis 2019 à 25 mètres sous l’eau, à une température stable de 13°C. Une expérience inédite dans la région, menée dans le but d’observer l’évolution du vin dans un environnement atypique.
Devant un petit comité de curieux et de professionnels, deux bouteilles ont été ouvertes pour une première analyse sensorielle. Dès les premières effluves, Véronique Muré, vigneronne du domaine familial, note des arômes nets de fruits à chair jaune. "Le vin présente une belle précision, une mousse fine, et une clarté en bouche surprenante", observe-t-elle, avant de conclure avec enthousiasme : "Il semble plus jeune qu’il ne l’est réellement."
La dégustation s’est poursuivie par une comparaison avec un crémant du même lot, conservé classiquement en cave depuis quatre ans. Pour Serge Dubs, Meilleur Sommelier du Monde en 1989 et sommelier de l’Auberge de l’Ill (deux étoiles Michelin), les deux vins sont remarquables, mais différents. "Le crémant immergé se distingue par son côté frais, vif et printanier. Il séduit par sa jeunesse et sa facilité à être dégusté", commente-t-il. À l’inverse, celui vieilli en cave développe "plus de complexité, de rondeur et une profondeur qui témoigne d’un vieillissement plus avancé mais tout aussi qualitatif."
Les 22 bouteilles restantes seront désormais confiées à l’université de Reims dans le cadre d’un projet de recherche scientifique mené avec l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). L’objectif est d’analyser l’évolution chimique et organoleptique de ce vin effervescent élevé en immersion.
"Le crémant n’est pas connu pour se conserver sur de longues durées", rappelle Éric Straumann, maire de Colmar et à l’origine du projet. "Généralement, il est consommé dans les trois à quatre ans." L’élu souligne cependant l’essor de ce vin dans la région : "Tandis que le vin d’Alsace traverse une période plus difficile, le crémant continue de séduire, tant en volume qu’en qualité."
Cette initiative s’inscrit dans une tendance croissante en France, où plusieurs projets explorent de nouvelles méthodes de conservation des vins. Pour Éric Straumann, l’idée est née en 2020, après la vente aux enchères spectaculaire d’une bouteille de champagne repêchée en mer du Nord, restée immergée pendant plus de cent ans – et vendue à plus de 50 000 euros. Une inspiration qui pourrait, à terme, faire évoluer les pratiques de vieillissement du vin.