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Surveillance, intimidations, propos déplacés... Les employés de Primark dénoncent la pression exercée par leur direction
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Après deux mouvements de grève en mars et avril, une troisième mobilisation semble se dessiner pour le mois de juin. "On sent que quelque chose se prépare", confie une employée du magasin Primark de Mulhouse, bien décidée à voir évoluer la situation. Depuis plusieurs semaines, les salariés de cette enseigne de prêt-à-porter à bas prix, située dans le Haut-Rhin, se mobilisent contre des conditions de travail qu’ils jugent dégradantes et un encadrement qu’ils qualifient de "toxique".
Espionnage, isolement, insultes, menaces, licenciements abusifs, salaires non versés ou non conformes : les accusations s’accumulent contre la direction du magasin. "C’est un bras de fer constant entre la hiérarchie et les salariés, chacun tente de résister", affirme Jihène Nguyen, déléguée CGT et employée sur le site depuis deux ans.
Le 22 mars dernier, une trentaine de salariés ont ainsi manifesté devant la boutique pour dénoncer un climat de travail délétère. "Le but était de mettre en lumière l’atmosphère de peur qui règne dans le magasin", explique Jihène Nguyen. Elle évoque notamment l’usage détourné de la vidéosurveillance : "Les caméras servent à surveiller les employés, alors qu’elles devraient garantir leur sécurité. La moindre erreur provoque des cris, comme si nous étions des enfants."
Une autre salariée, préférant rester anonyme, dénonce des restrictions extrêmes concernant l’accès aux sanitaires : "Même aller aux toilettes nous est refusé. Une fois, on a frappé à la porte pour me faire sortir en criant. C’était humiliant." La CGT s’indigne de telles pratiques : "Les employés ont des besoins élémentaires, ils boivent, mangent, doivent se rafraîchir. Or, la climatisation est souvent défaillante."
Lors de ce premier mouvement, les manifestants ont aussi pointé du doigt la circulation en interne d’un document listant les noms des salariés syndiqués. "La direction fait tourner cette liste pour décourager les autres de nous approcher. On nous traite de fauteurs de troubles et cherche à nous isoler", assure Jihène Nguyen.
Les dysfonctionnements s’étendent aussi à la gestion des paies. Une employée en mi-temps thérapeutique, reconnu par la médecine du travail, aurait perçu seulement 23 euros pour un mois de travail, faute de déclaration appropriée. "Elle a dû cesser son activité, incapable même de financer son trajet domicile-travail", déplore la syndicaliste.
Une autre salariée a, quant à elle, saisi l’inspection du travail en 2024. "On ne me payait pas mes heures supplémentaires et j’ai été affectée à un poste différent de celui indiqué sur mon contrat." Selon les grévistes, ces erreurs sont liées à l’externalisation du service de paie vers une entreprise étrangère.
Les problèmes concernent aussi le respect du statut de travailleur handicapé. Une jeune recrue, reconnue RQTH en raison de douleurs dorsales, relate avoir été contrainte à porter des charges lourdes malgré ses restrictions médicales. En octobre 2024, elle se blesse sérieusement, ce qui entraîne un arrêt de travail pour maladie professionnelle. À ce jour, elle n’a reçu aucune réponse de la direction.
La répression syndicale semble également être à l’œuvre. Peu après la première mobilisation, un salarié ayant participé à la grève a été licencié. D’autres licenciements ont suivi, notamment quatre en une seule journée, le 13 mai. "Les motifs sont dérisoires : ne pas dire bonjour à un client ou ne pas bien servir quelqu’un", souligne Jihène Nguyen.
Le magasin de Mulhouse est devenu l’un des symboles du mécontentement au sein du groupe irlandais en France. "Après notre première action, des magasins à Lyon, puis Saint-Étienne et Dijon, ont emboîté le pas", raconte la déléguée. Le mouvement a gagné encore en ampleur à Toulon, où plus de 250 personnes ont débrayé le 7 mai dernier.
Contactée, la direction de Primark a réagi en affirmant que "la grève est un droit fondamental, et il est légitime que des salariés s’en saisissent pour faire entendre leur voix."