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Pour lutter contre les logements insalubres, cette ville met en place une autorisation préalable à la location
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Le 24 mai, lors du conseil de l’Eurométropole de Strasbourg (Bas-Rhin), les élus ont approuvé à l’unanimité l’autorisation donnée à la Ville de Strasbourg d’introduire le permis de louer. L’élue communiste Hülliya Turan a salué cette décision, la qualifiant d’étape cruciale dans la lutte contre les logements indignes.
Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la loi ALUR du 24 mars 2024, qui permet aux collectivités d’exiger des propriétaires qu’ils obtiennent une autorisation avant de mettre un bien en location, dans le but d’en garantir la salubrité et la décence. Déjà déployé dans plus de 600 communes à travers le pays, ce dispositif n’est donc pas une nouveauté sur le plan national.
Certains élus ont néanmoins regretté que Strasbourg adopte cette mesure tardivement et de façon limitée. La socialiste Céline Geissmann a ainsi questionné la portée de l’initiative : "Pourquoi une application aussi restreinte ? Pourquoi ne cibler qu’un seul quartier, alors que d’autres villes ont opté pour une mise en œuvre plus large ?"
La municipalité a en effet choisi de tester ce dispositif uniquement dans le quartier Gare. Ce secteur, selon la Ville, concentre de nombreux logements en mauvais état, classés comme "passoires énergétiques", ainsi qu’un taux élevé de précarité énergétique et un nombre important de signalements d’habitat indigne. L’entrée en vigueur est prévue pour le 1er mai 2026, avec une première évaluation programmée en 2028.
Lucette Tisserand, adjointe en charge du logement, a justifié ce choix en évoquant la situation particulièrement préoccupante du quartier. Bien que les chiffres précis pour cette zone ne soient pas disponibles, les autorités estiment à 9.200 le nombre de logements insalubres dans le Bas-Rhin, dont environ 3.000 seraient situés dans l’agglomération strasbourgeoise – la majorité étant vraisemblablement dans le quartier Gare.
Tous les logements ne seront pas concernés. Les habitations sociales conventionnées par l’État échappent à cette obligation, ce que regrettent certains représentants, comme Gérard Schann, conseiller de Bischheim, une commune dont le parc immobilier comprend près de 50 % de logements sociaux. Il a exprimé son souhait de voir cette expérimentation inspirer d’autres villes de l’Eurométropole.
Le permis de louer s’appliquera uniquement aux logements destinés à la résidence principale (vides ou meublés), loués via des baux de trois ans. Les locations saisonnières ne sont donc pas concernées. Par ailleurs, seuls les biens construits avant 2006 devront s’y conformer.
À partir du 1er mai 2026, les propriétaires souhaitant louer un logement dans le quartier Gare devront déposer une déclaration ou une demande d’autorisation à l’aide du formulaire CERFA n°15652*01, précisant les caractéristiques du bien. Un contrôle administratif sera effectué sur chaque dossier. En cas de doute, une visite de terrain pourra être menée par les services municipaux d’hygiène et de santé. Le non-respect de cette procédure pourra entraîner des sanctions allant jusqu’à 15.000 euros d’amende.
Strasbourg rejoint ainsi d’autres communes alsaciennes qui ont déjà mis en œuvre ce dispositif. À Mulhouse, le permis de louer est en place depuis 2015 dans plusieurs quartiers, avec des extensions progressives. D’autres localités, telles que Guebwiller et plusieurs communes du Val d’Argent (Sainte-Marie-aux-Mines, Sainte-Croix-aux-Mines), ont également recours à cette démarche dans le cadre de politiques de rénovation urbaine.
À Sainte-Croix-aux-Mines, le maire Jean-Marc Burrus s’est montré très satisfait des résultats obtenus depuis la mise en œuvre en 2022. Une trentaine de propriétaires ont déjà dû se conformer à cette nouvelle exigence. "Ce dispositif nous a permis de remettre à niveau le parc locatif et de protéger les locataires contre certains abus", explique-t-il.
Dans cette commune, les contrôles sont systématiques. Un agent municipal, accompagné d’un policier si nécessaire, procède à la vérification des logements et peut imposer des travaux de remise en conformité. La commune collabore aussi étroitement avec l’État pour suspendre les aides au logement dans les cas de non-conformité, une mesure dissuasive contre les bailleurs indélicats.
Le maire observe également un effet positif sur la dynamique locale : "Les locataires se sentent mieux protégés et cela encourage d'autres familles à venir s’installer." Fort de cette réussite, le Val d’Argent envisage désormais d’élargir le périmètre du permis de louer à d'autres zones de son territoire.