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Face aux menaces autoritaires, la Gay Pride s’affirme comme un acte de résistance politique

Publié : 13 juin 2025 à 6h00 - Modifié : 13 juin 2025 à 10h03
Mandy Vereecken

Gay Pride

Ce samedi 14 juin, Strasbourg accueillera la 23ᵉ édition de la Marche des Visibilités. L’événement, autrefois perçu avant tout comme un moment festif rassemblant strass, paillettes, tenues colorées et DJ, prend cette année une dimension bien plus politique. Loin de se limiter à une célébration de la diversité, les organisateurs appellent désormais à une mobilisation revendicative, engagée et intersectionnelle.

Derrière cette évolution, un mot d’ordre fort et sans détour : « Faire corps contre le fascisme ». C’est le message central porté par le collectif interassociatif qui pilote cette édition, un regroupement né l’an dernier. Dans leur manifeste, les associations tirent la sonnette d’alarme face à ce qu’elles considèrent comme une « montée préoccupante de l’extrême droite en France, comme dans le reste du monde occidental ». Elles dénoncent autant le rôle du gouvernement que celui des médias dans la banalisation des idées du Rassemblement National.

L’an dernier déjà, le caractère politique de la marche faisait débat. Des tensions étaient apparues entre les associations, certaines souhaitant rejoindre les syndicats manifestant contre l’extrême droite, tandis que d’autres préféraient maintenir une posture neutre, pour préserver l’unité au sein de la communauté LGBTQ+. À l’époque, Matthieu Wurtz, président de Festigays, défendait cette ligne « apartisane ». Un an plus tard, le ton a changé :
« Il y a eu une concertation, et on a trouvé un terrain d’entente. La marche a toujours été politique dans le fond, puisqu’elle défend les droits LGBT, mais elle est restée apartisane », nuance-t-il aujourd’hui. Il reconnaît toutefois que les discussions internes n’ont pas toujours été simples.

Flora Giros, vice-présidente de l’association Station LGBTI, confirme la complexité du processus :
« On s’est réunis chaque mois depuis la dernière marche. Il y a eu des débats intenses, parfois même au sein d’une même association. Des compromis ont été nécessaires », confie-t-elle.
Selon elle, la majorité des membres du collectif soutient désormais une orientation plus militante. « Compte tenu du climat actuel, la Pride ne peut plus se contenter d’être une fête. Nous allons par exemple porter la question de l’asile pour les personnes LGBTI, premières cibles des politiques d’exclusion », explique-t-elle.

Mais cette politisation ne fait pas l’unanimité. Jean-François Lehougre, secrétaire adjoint de l’antenne alsacienne de l’Autre Cercle, association œuvrant pour l’inclusion dans le monde professionnel, s’inquiète :
« Le virage politique semble inévitable, mais il risque de devenir contre-productif. On ne peut pas parler au nom de toute la communauté si on en exclut certains avec des mots d’ordre trop clivants », affirme-t-il.
Il évoque également un malaise suscité par l’affiche de cette édition, qui représente une croix gammée brisée. « Le message voulu est clair, mais le symbole est fort et peut heurter. Le nazisme n’est pas exactement ce que nous affrontons aujourd’hui », souligne-t-il, s’interrogeant sur l’adhésion de l’ensemble de la communauté à cette image.

Malgré ces débats, l’événement devrait de nouveau rassembler une foule nombreuse. En 2024, près de 20 000 personnes avaient défilé dans les rues de Strasbourg. Cette année, le départ est prévu à 13h30, place de l’Université. La journée s’achèvera par la Nuit des Festigays.