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Changements surprenants du rectorat : en moins d’un mois, douze élèves sont passés d’une admission à un refus, puis à une nouvelle acceptation en Segpa

Publié : 6h00 - Modifié : 10h45
Mandy Vereecken

Rectorat

Lorine et Tania (prénoms modifiés) s'apprêtent à franchir le cap de l’entrée en sixième. Mais en raison de troubles "dys", leur niveau scolaire reste équivalent à celui du CE2. Les deux élèves rencontrent d’importantes difficultés en langage et en apprentissage. Depuis l’école primaire, elles bénéficient de l’accompagnement d’un AESH (accompagnant d’élèves en situation de handicap) et de nombreux aménagements pédagogiques.

En prévision de leur passage au collège, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Bas-Rhin a recommandé leur orientation vers une classe Segpa (Section d’enseignement général et professionnel adapté). Le rectorat avait validé cette préconisation, en leur attribuant une place au collège Romain Rolland d’Erstein. Une décision officielle confirmée par courrier en date du 11 juin, consulté par nos soins, qui précisait également qu’elle valait réponse à leur demande de dérogation au collège de secteur.

Mais contre toute attente, le 26 juin, un court mail de l’inspection académique, agissant pour le compte du rectorat, annule l’affectation. Motif invoqué : absence de places disponibles. Lorine, Tania, ainsi que dix autres élèves dans la même situation, se voient alors réorientées vers leur collège de secteur à Benfeld, en filière générale. L’académie de Strasbourg parle d’un message "envoyé un peu précipitamment".

Face à cette volte-face, les mères des deux collégiennes, Sophie R. et Johanna B., décident de se mobiliser publiquement. Par le biais des réseaux sociaux, entre publications Facebook et vidéos TikTok, elles tentent d’alerter sur ce revirement qu’elles jugent incompréhensible. Elles peinent à comprendre pourquoi l’avis de la MDPH n’est pas suivi et s’inquiètent d’un parcours scolaire inadapté aux besoins spécifiques de leurs filles.

Pour Johanna B., le risque d’un échec scolaire est réel : "Si Tania intègre une classe classique, elle ne pourra pas suivre", affirme-t-elle. Elle pointe notamment les effectifs chargés : "Avec plus de 700 élèves dans l’établissement et 28 par classe, impossible d’individualiser l’enseignement."

Malgré les tentatives du chef d’établissement de Benfeld pour les rassurer, les inquiétudes demeurent. Sophie R. rappelle que sa fille a besoin de supports adaptés comme un ordinateur, des documents en format A3 ou encore des évaluations simplifiées. "On nous a dit que les enseignants seraient informés, mais qu’ils ajusteraient leur pédagogie comme ils le peuvent. Rien ne garantit une vraie continuité dans les adaptations."

Autre point de tension : l'accompagnement humain. Alors que la MDPH avait recommandé un AESH à temps complet, l’établissement de Benfeld a annoncé qu’un seul accompagnant interviendrait… neuf heures par semaine pour l’ensemble d’une classe.

Cette réaffectation pèse également sur le moral des deux élèves concernées. "La rentrée en sixième est déjà un grand bouleversement, mais là, c’est pire. Ma fille est en pleine détresse. Chaque jour, elle me demande ce qu’on va faire pour l’école", confie Johanna B.

Jusqu’au 10 juillet, ni le collège d’Erstein ni le rectorat ne semblent envisager de solution : "C’est ainsi, seule une des deux classes Segpa initialement prévues ouvrira", répond-on aux familles.

Pourtant, rebondissement le 10 juillet. Contacté ce jour-là, le rectorat annonce l’ouverture d’une seconde classe Segpa à Erstein. Les parents concernés, dont ceux de Lorine et Tania, sont informés de ce revirement dans la foulée.

Sophie R. et Johanna B. peinent à y croire. "On attend la confirmation écrite, censée arriver d’ici le 15 juillet", expliquent-elles prudemment.

À la rentrée 2024, 2 960 collégiens de l’académie de Strasbourg étaient scolarisés en Segpa. Toutefois, seuls un quart des établissements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin disposent de ce dispositif, limitant les possibilités d’affectation.