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Un simple savon contre le cancer ? L'idée d’un adolescent à l’épreuve de la recherche

Publié : 4 juin 2025 à 6h00 - Modifié : 4 juin 2025 à 14h25
Mandy Vereecken

Savon

À seulement 15 ans, Heman Bekele a remporté le prestigieux concours américain 3M Young Scientist Challenge grâce à une idée audacieuse : concevoir un savon capable de traiter certaines formes de cancer de la peau, notamment le mélanome. Son projet a suscité un vif intérêt et lui a valu d’être désigné « Enfant de l’année 2024 ».

Né en Éthiopie, Heman a émigré aux États-Unis à l’âge de 4 ans. C’est en repensant aux conditions de travail difficiles de certains ouvriers de son pays d’origine, exposés au soleil sans protection, qu’il a eu l’idée de cette innovation. Son savon, encore à l’état de prototype, repose sur une molécule bien connue du monde médical : l’imiquimod.

L’imiquimod est déjà autorisé sous forme de crème (notamment Aldara) pour soigner certaines lésions bénignes de la peau et, depuis 2004, certains carcinomes basocellulaires, la forme la plus courante — et la moins agressive — des cancers de la peau. Cette molécule a été découverte dans les années 1980 par les chercheurs de l’entreprise 3M, initialement dans le cadre de recherches sur des infections virales comme l’herpès.

L’imiquimod stimule une réponse immunitaire puissante en activant un récepteur de l’immunité innée : le TLR7 (Toll-like receptor 7). Ce récepteur reconnaît des éléments présents dans l’ARN viral, ce qui explique son efficacité contre différents types de virus — et potentiellement contre les cellules cancéreuses, elles aussi anormales.

Une fois le TLR7 activé, les cellules libèrent des molécules appelées interférons, qui jouent un rôle clé dans la destruction des cellules infectées ou tumorales. Cette cascade de défense repose sur l’immunité innée, première ligne de protection du corps, qui agit rapidement dès la détection d’une menace.

Même si la peau n’est pas un organe immunitaire à proprement parler, elle est en première ligne face aux agressions extérieures. Ses cellules, notamment les macrophages de Langherans, sont dotées de récepteurs comme le TLR7. Lorsqu’ils détectent l’imiquimod, ces macrophages peuvent déclencher une réponse immunitaire locale, voire migrer vers les ganglions pour activer les lymphocytes T, acteurs majeurs de l’immunité adaptative.

C’est ce processus collaboratif entre les cellules immunitaires qui pourrait freiner la progression de tumeurs cutanées et explique l’intérêt d’utiliser l’imiquimod en dermatologie oncologique.

L’approche de Heman Bekele repose sur une idée simple : rendre ce traitement plus accessible et plus intégré au quotidien que les crèmes actuellement prescrites. En transformant l’imiquimod en ingrédient actif d’un savon, il espère faciliter son usage, notamment dans des régions où l’accès aux soins est limité.

Même s’il reconnaît que plusieurs années seront nécessaires pour mener des essais cliniques, obtenir un brevet et l’approbation de la FDA, son initiative offre une nouvelle piste thérapeutique.

Malgré l’intérêt de cette invention, les experts rappellent que la meilleure arme contre le cancer de la peau reste la prévention : éviter l’exposition prolongée au soleil, porter des vêtements protecteurs et utiliser des crèmes solaires adaptées. Le mélanome, bien que moins fréquent, reste le plus redouté des cancers cutanés en raison de son agressivité.