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BDR Thermea annonce la suppression de 320 postes : les salariés sous le choc. "C’est un choc brutal, l’activité était pourtant soutenue

Publié : 21 mai 2025 à 6h00 - Modifié : 21 mai 2025 à 14h23
Mandy Vereecken

BDR

Il est 8 heures ce matin-là, et les salariés de BDR Thermea quittent leur poste, entamé une heure plus tôt, pour rejoindre le mouvement de mobilisation. La veille, la direction a annoncé la suppression de 320 postes sur le site de Mertzwiller, dans le Bas-Rhin. Sur le parking, des tables, des bancs, des braseros et des drapeaux syndicaux témoignent de la mobilisation organisée dans l’urgence. La production est arrêtée, un piquet de grève installé pour faire entendre la colère et la stupeur des salariés.

« Un vrai coup de massue », résume Chabounia Abdenouz, monteur assembleur, entré comme intérimaire en 2018 avant d’être embauché. « On tournait à plein régime. Jamais je n’aurais imaginé une telle issue. » Son désarroi est partagé. Fanny, opératrice sur la ligne de production, dont le conjoint travaille également sur le site, ne cache pas son inquiétude : « Trois enfants à charge, et d’un coup, plus de certitudes. C’est brutal. » Fiona, mère de deux jeunes enfants, confie ne pas encore avoir pris la mesure de ce qu’il se passe : « Hier, j’ai vu des collègues de longue date en larmes. De Dietrich, c’est toute leur vie. »

Au fil de la matinée, les employés convergent vers le rassemblement. Des fumigènes rouges sont allumés. La tension est palpable. « Ne pas réagir serait une erreur », affirme Philippe Lazarus, chaudronnier-soudeur depuis 35 ans et représentant Force Ouvrière. « Nous devons faire entendre notre mécontentement avant d’ouvrir des négociations sérieuses sur les conditions de départ, de formation ou de reclassement. »

La direction justifie cette restructuration par la baisse des aides publiques à la rénovation énergétique et la flambée des prix de l’électricité, qui freinent la demande de pompes à chaleur – l’une des principales productions du site. Une annonce brutale, même si certains s’y attendaient partiellement. « On sentait bien un changement, mais pas à ce point », reconnaît Sabine, opératrice. Philippe Lazarus poursuit : « On s’attendait à une réduction de personnel, 150 ou 200 postes peut-être. Mais la fin de la production, c’est un choc. »

Fiona, elle, repense aux efforts récents : « On a accepté des sacrifices : horaires décalés, salaire réduit… tout ça pour apprendre que ça ferme quand même. »

Le mouvement de protestation coïncide avec la présence de la direction sur le site. Les salariés veulent marquer le coup, même s’ils ont prévu de reprendre le travail dès le lendemain. « On garde la tête haute et on retourne bosser. Mais on a peur de faire partie des premiers à partir », confie Fiona. Pour beaucoup, la réalité est encore difficile à assimiler.

La phase de consultation avec le CSE (Comité Social et Économique) doit débuter le 3 juin. Fabrice Leininger, secrétaire du CSE, souligne la difficulté des reclassements : « Il y a bien des postes ailleurs dans le groupe, mais beaucoup nécessitent de parler anglais, ce qui n’est pas à la portée de tous. On doit aussi explorer les opportunités dans le bassin d’emploi local, où certaines entreprises cherchent encore de la main-d’œuvre qualifiée. »

Des élus locaux sont venus sur place apporter leur soutien. Victor Vogt, maire de Gundershoffen et conseiller d’Alsace (LR), a tenu à s’exprimer : « C’est un séisme pour l’histoire industrielle de notre vallée. De Dietrich, c’est plus de trois siècles d’ancrage local. Ces 320 postes, c’est 10 % des emplois industriels de la région. Et il faut compter les sous-traitants. »

Le maire s’inquiète : « On ne sait pas encore ce que l’on pourra faire concrètement. Mais une chose est sûre : on assiste à un recul de l’industrie, alors même que la transition écologique devrait générer des emplois. Il faut des politiques plus réalistes et volontaires dans ce domaine. »

La production sur le site de Mertzwiller cessera progressivement d’ici deux ans, selon la direction. Sur les 850 employés, une partie restera affectée aux activités de recherche et développement, à la fabrication de pièces détachées, ainsi qu’aux fonctions administratives.