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Abeilles en danger : le retour des néonicotinoïdes fait bondir les apiculteurs
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À Morschwiller, dans le Bas-Rhin, Patrice Benoist s’occupe avec soin de ses ruches, bien loin de l’agitation des tracteurs massés devant l’Assemblée nationale ces derniers jours. Pourtant, cet apiculteur est directement concerné par les débats parlementaires autour de la proposition de loi Duplomb, qui pourrait autoriser de nouveau l’usage de l’acétamipride, un insecticide classé parmi les néonicotinoïdes.
Bien que cette substance soit bannie en France depuis 2020, elle demeure autorisée à l’échelle européenne. Certaines filières agricoles, notamment celles de la betterave et de la noisette, en demandent le retour, arguant qu’aucune alternative efficace ne permet de lutter contre certains ravageurs. À l’inverse, les apiculteurs dénoncent une menace sérieuse pour les abeilles.
"Il m’est déjà arrivé de trouver une ruche pleine en début de semaine, puis totalement vide quelques jours plus tard à cause des pesticides", confie Patrice Benoist.
Si l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) indique que ces produits ne provoquent pas une mortalité directe, elle souligne qu’ils affectent les capacités cognitives des abeilles, perturbant leur orientation et leur retour à la ruche – ce qui les condamne indirectement.
Les défenseurs du texte affirment toutefois que le cadre d’utilisation serait strictement encadré, afin de limiter les impacts sur l’environnement.
"Il faut se détacher des discours idéologiques et se fier à la science," tempère Éric Lelong, de la commission apicole de la FNSEA. "Par exemple, il est établi que les abeilles ne fréquentent pas les cultures de betteraves, donc le risque est limité."
Depuis 2020, les producteurs de betteraves bénéficient d’ailleurs de dérogations, en réponse à une forte propagation de la jaunisse virale.
"Pour le reste, c’est à l’Anses de trancher," poursuit Éric Lelong. "Ce sujet est bien trop technique pour être traité uniquement sur le plan politique ou émotionnel. La loi prévoit uniquement des autorisations provisoires, conditionnées à des programmes de recherche."
La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a également défendu cette approche le 27 mai, face aux critiques des élus de gauche et écologistes évoquant des "risques pour la santé publique".
"Ce produit est présent dans les insecticides ménagers, les colliers antiparasitaires… et les agriculteurs ne pourraient pas l’utiliser dans un cadre rigoureux ? C’est incohérent," a-t-elle déclaré.
Au-delà de la seule apiculture, la question touche à la préservation des pollinisateurs, essentiels à la biodiversité.
Comme le rappelle l’Anses, près de 90 % des espèces végétales à fleurs dépendent exclusivement des insectes pollinisateurs pour leur reproduction.
Pour Antoine Gueidan, apiculteur biologique à Sélestat, cette loi représente aussi un tournant symbolique :
"L’abeille est un indicateur de la santé de notre environnement. Elle butine partout, donc elle est exposée à tout. Aller vers un usage accru de pesticides, c’est un très mauvais signal."
Son confrère Patrice Benoist renchérit : "Sans abeilles, pas de légumes, pas de fruits. Toute l’agriculture en dépend."
Suite au rejet initial de la loi par une majorité de députés, la proposition doit désormais passer en commission mixte paritaire courant juin.