STOLPERSTEINE | Des "pavés de la mémoire" pour se souvenir des victimes de la Shoah

Des pavés couronnés d'une plaque en laiton, ornées d'un nom et de dates. L'artiste allemand Gunter Demnig pose inlassablement, depuis le début des années 90, des « Stolpersteine » à travers toute l'Europe. Dans le Grand Est, l'Alsace est la première à se lancer dans cette forme de commémoration. Ces pavés rendent hommages aux victimes de la Shoah.

4 mai 2021 à 10h33 par Pierre Maurer

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Un des « Stolpersteine » qui a été posée à Muttersholtz ce 30 avril
Crédit : PM/RDL

Tout débute en 1993. C'est cette année là que le sculpteur et artiste allemand Gunter Demnig entame un travail sur les victimes du 3ème Reich. Les premiers pavés sont posés à Berlin, devant le dernier domicile occupé par les victimes.

Au départ, Gunter Demnig mène lui même les recherches permettant de retrouver les lieux, obtient les autorisations des différentes administrations et réalise puis pose les pavés.


L'artiste Gunter Demnig - photo PM/RDL

Son travail est reconnu, il est sollicité de toutes parts et se lance dans un travail à plus grande échelle encore. L'Allemagne, puis d'autres pays limitrophes... L'Europe désormais. Il existe aujourd’hui plus de 8 000 « Stolpersteine » à Berlin, 71 000 en Europe.

Herrlisheim, Muttersholtz et Strasbourg : les figures de proue alsaciennes

Les premiers pavés commémoratifs ont été posés en 2003 en France... mais il aura fallu attendre le 30 avril 2019 pour que les premiers « Stolpersteine » soient visibles chez nous. D'abord à Herrlisheim (près de Colmar) où 24 de ces pavés ont été scellés. A Muttersholtz, dans le Ried, ce sont 27 pierres que l'on a inauguré le dernier jour d'avril, en présence des enfants des écoles et dans une émotion palpable.


Les derniers pavés posés à Muttersholtz, en attente d'être encastrés dans le sol - photo PM/RDL

A Strasbourg, vingt de ces « Stolpersteine » sont visibles depuis le premier mai, à chaque fois devant des immeubles, sur le trottoir, insérés dans la chaussée.

L'objectif est que d'ici plusieurs années Strasbourg compte des « Stolpersteine » pour chacun des 850 Juifs de la ville déportés et tués par le régime nazi, a expliqué Fabienne Regard, présidente de l'association Stolpersteine67 qui porte le projet à Strasbourg.

Un symbole qui ne satisfait pas tout le monde.

Cette manière de rendre hommage aux victimes de la Shoah ne fait pas l'unanimité. En Allemagne, Charlotte Knobloch, ancienne déportée et présidente de la communauté israélite de Bavière, est une farouche opposante aux « Stolpersteine ». Elle considère « qu'il est humiliant que ces marques de commémorations soient sur le sol et que des passants puissent marcher dessus »

En Alsace, le grand rabbin de Strasbourg, Harold Weill, regrettait il y a quelques semaines sur France 3 que « ces pavés soient assimilés à des pierres tombales », mais qu'également ces pierres « puissent être souillées par des chiens (...) ». Pourtant, le représentant de la communauté israélite a reconnu que le devoir de mémoire prime.

L'Alsace, qui a connu une histoire complexe, ne fait pas partie des premières régions à accueillir des « Stolpersteine ». L'historien Christophe Woerlé, qui a milité pour l'installation des pavés à Muttersholtz, y voit « beaucoup de raisons ».

INTERVIEW | Christophe Woerlé, historien

Ces « Stolpersteine » peuvent être « commandés » directement auprès de l'artiste, ou via des associations qui en assurent le financement (la conception et la pose coûtent environ 120€).


Gros plan d'un des "Stoplersteine" de Muttersholtz - photo PM/RDL