LIVRES | L'appel d'un libraire alsacien : « ce pour quoi je me suis investi depuis 17 ans est en train de s'effondrer »

Pedro Mota est libraire à Illkirch. Il a publié il y a quelques jours sur Facebook un long article où il explique son ras-le-bol de se battre pour exister face aux géants du numérique et de la grande distribution. Un appel qui fait réagir sur les réseaux sociaux.

4 mai 2021 à 10h34 par Pierre Maurer

DKL DREYECKLAND
Le choix ne manque pas à la librairie de Pedro Motta... mais les clients se font plus rares.
Crédit : Page Facebook "Librairie Ill Aux Trésors"

Après des années à avoir porté d'innombrables projets, à animer avec passion, à inviter des auteurs, à soutenir des causes nobles et humaines, à avoir donné de ma personne, je vois l'ouvrage d'une part importante de ma vie se déliter peu à peu.
Pedro Motta, libraire indépendant à Illkirch

Le coup de blues est réel, la fatigue palpable. C'est d'ailleurs au cœur de la nuit que Pedro Mota se livre par écrit, sur son compte Facebook, pour faire part de son inquiétude à ses clients/lecteurs.

A Illkirch, il est seul libraire... mais doit faire face à un hypermarché ayant développé un grand espace culturel il y a quelques années et à une grande surface spécialisée qui vient de s'ouvrir, à quelques centaines de mètres de son échoppe.

C'est également sans compter sur les achats sur internet, toujours plus nombreux, de la part de clients pressés et qui ne viennent plus prendre du temps en boutique...

David contre Goliath

Non content de devoir réussir à se maintenir face à ces géants aux moyens financiers sans commune mesure par rapport aux siens, Pedro Mota précise qu'il a « toujours considéré que [son] rôle d'entrepreneur était de créer et de partager des richesses. C'est pourquoi [il a] toujours fait en sorte d'être un acteur économique en créant des emplois. (…) Malheureusement, le poids de plus en plus conséquent de ces acteurs économiques exerçant cette activité à une échelle différente de la mienne, à une échelle quasi-industrielle, fait énormément de tord à l'équilibre fragile de mon activité."

Pedro Mota, lui, regrette que les librairies se déshumanisent et perdent ce qui a toujours fait leur richesse : être un endroit où l'on trouve des « passeurs d'histoires »

INTERVIEW | Pedro Motta au micro de Manon Touati

"Que cela m'est difficile de m'exposer ainsi et de me mettre quasiment à nu dans ce texte."

Cette situation l'affecte particulièrement, mais il est décidé à se battre pour continuer à exister et à proposer une offre différente, locale, de qualité.

« On dit que parler fait du bien... Écrire est aussi une forme de libération. Cette déclaration est comme une bouteille à la mer » conclut le libraire.

Son statut a été partagé plusieurs dizaines de fois sur Facebook, plus d'une centaine de commentaires positifs et enthousiastes ont été publiés. Ses propos ont également été repris dans l'émission culturelle d'ARTE « 28 Minutes ».