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La France et le Royaume-Uni ouverts à une coopération stratégique autour de leur dissuasion nucléaire au profit de l’Europe

Publié : 6h00 - Modifié : 10h46
Mandy Vereecken

France et le Royaume-Uni

Dans un contexte de dégradation de la sécurité sur le continent européen, la France et le Royaume-Uni ont annoncé, mercredi 9 juillet, leur intention de renforcer la coordination de leurs stratégies de dissuasion nucléaire. Une déclaration commune à ce sujet doit être signée jeudi à Londres, à l’occasion de la visite d’État du président Emmanuel Macron, accueilli par le premier ministre britannique Keir Starmer.

Selon les autorités françaises et britanniques, cette déclaration marquera une avancée majeure dans leur coopération stratégique, affirmant pour la première fois que les forces nucléaires des deux pays, bien que totalement indépendantes, peuvent être coordonnées pour faire face à une menace jugée « extrême » contre l’Europe.

Les deux gouvernements précisent qu’aucune attaque grave sur le continent ne resterait sans réaction conjointe, même si le pouvoir de décision quant à l’usage de l’arme nucléaire demeure entièrement souverain dans chaque pays. En cas de menace visant les intérêts fondamentaux de l’un ou l’autre État, l’adversaire pourrait être confronté à la réponse dissuasive des deux puissances nucléaires.

Afin de piloter cette coopération renforcée, un groupe de supervision nucléaire, coprésidé par l’Élysée et le Cabinet Office britannique, sera chargé de coordonner les aspects politiques, capacitaires et opérationnels de cette démarche. Il s’agit de la plus grande évolution doctrinale franco-britannique en matière nucléaire depuis la déclaration de Chequers, en 1995. Cette dernière posait déjà le principe d'une solidarité sur la notion d’« intérêts vitaux » entre les deux pays, sans aller jusqu’à évoquer de réponse coordonnée.

Ce rapprochement stratégique s’inscrit dans un climat d’incertitude géopolitique, accentué depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Les doutes exprimés sur l’engagement des États-Unis dans la défense européenne, en particulier sous la présidence de Donald Trump, ont conduit plusieurs États du Vieux Continent à chercher des garanties supplémentaires en matière de sécurité.

Pour Heloïse Fayet, spécialiste des questions nucléaires à l’Institut français des relations internationales (IFRI), il s’agit d’un tournant : cette coordination inédite est à la fois conforme à la doctrine française — qui inclut une dimension européenne dans la définition de ses intérêts vitaux — et cohérente avec la stratégie britannique, historiquement intégrée à l’OTAN.

Cette initiative constituera l’un des temps forts du sommet bilatéral de jeudi à Downing Street, qui devrait également annoncer une relance du programme commun de missiles Scalp–Storm Shadow, avec de nouvelles commandes à la clé pour le groupe européen MBDA. D’autres projets, concernant le développement de missiles antinavires et de futurs missiles de croisière, seront également relancés après plusieurs années de stagnation.

Par ailleurs, la coopération militaire entre Paris et Londres prendra une nouvelle dimension avec la mise en œuvre concrète de la Coalition des volontaires, lancée en début d’année. S’appuyant sur la force expéditionnaire conjointe créée en 2010 dans le cadre des accords de Lancaster House, cette coalition regroupe une trentaine de pays engagés dans le soutien militaire à l’Ukraine. En cas d’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu entre Kiev et Moscou, cette force — pouvant mobiliser jusqu’à 40 000 soldats — sera déployée pour garantir la stabilité sur le terrain.

La réunion de cette coalition, présidée conjointement par Keir Starmer et Emmanuel Macron, se tiendra jeudi en visioconférence. Elle réunira plusieurs dirigeants européens, dont le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, le chancelier allemand Friedrich Merz, et des représentants américains. Ces derniers participent alors que Washington, sous la présidence Trump, durcit ses positions envers Moscou, annonçant à la fois de nouvelles sanctions et des livraisons d’armes supplémentaires à l’Ukraine.