L'actualité nationale, régionale et locale
Licenciements chez BDR : une mobilisation massive dénonce un traitement indigne des salariés, "écartés comme de simples chiffons"
Ce samedi 5 juillet, Mertzwiller a vu défiler plus de 3 500 personnes dans une marche blanche au ton grave, teintée de colère et d’incompréhension. Un cortège silencieux, marqué par des visages fermés, des pancartes dénonciatrices et le son des sifflets.
Ce n’est pas seulement un défilé, c’est un adieu collectif à des emplois condamnés. Les manifestants sont salariés, familles, voisins, clients… Tous touchés, directement ou indirectement, par les 320 suppressions de postes annoncées chez BDR Thermea. Les syndicats évoquent près d’un millier d’emplois indirects en danger.Cette entreprise, pilier industriel de la région, est l’héritière de la marque De Dietrich, et fait vivre depuis des décennies tout un territoire, bien au-delà de ses murs.
Sonia Duvignac, assistante maternelle, est venue soutenir son mari, Eric, salarié depuis 36 ans. « Je suis là pour lui, mais aussi pour moi. Les mères qui me confient leurs enfants travaillent ici. Si elles perdent leur emploi, je perds aussi le mien. On essaie de ne pas y penser, puis ça revient d’un coup : le chômage. Je n’aurais jamais imaginé vivre ça un jour. J’ai 54 ans et c’est la première fois que je manifeste. »
Comme elle, de nombreux participants peinent à réaliser ce qui leur arrive. De Dietrich incarnait pour eux un avenir professionnel sûr, presque garanti.Mais tout a basculé le 20 mai 2025, à l’issue d’un comité social et économique (CSE) où la direction a annoncé un plan de réorganisation : la production de pompes à chaleur cessera progressivement en France d’ici 2027, avec un transfert vers la Slovaquie. Résultat : 370 emplois supprimés en France, dont 320 à Mertzwiller, siège historique de l’entreprise.
L’usine, fragilisée depuis plusieurs mois par une concurrence féroce et une baisse significative des ventes, n’a pas résisté à l’effondrement du marché français des pompes à chaleur, qui a chuté de plus de 30 % en 2024.
Jean-Luc Suss, en poste depuis 34 ans, travaille à la production de ballons. Il confie son amertume : « On espère encore que cette marche fera bouger les choses, mais je ressens de la rancœur envers ce groupe qui nous a abandonnés. On nous jette comme des objets inutiles. J’ai 56 ans, je ne sais pas ce que je vais faire. À notre âge, retrouver un emploi, c’est loin d’être garanti. »
Viviane Bertrand, avec 41 années de maison, proche de la retraite, est elle aussi venue soutenir ses collègues : « On est dans le flou total. Dans l’usine, on tourne en rond, sans savoir ce qui va se passer. C’est très dur de continuer à travailler dans cette ambiance, le moral est à zéro. »
Face à l’émotion, la direction de BDR Thermea invoque dans un communiqué des pertes financières importantes liées à la conjoncture du marché.Le cortège s’est achevé devant la mairie, où une quarantaine d’élus locaux ont écouté les prises de parole des représentants syndicaux. Cette mobilisation est la troisième depuis l’annonce du plan.
« Les discussions ne font que commencer sur les mesures d’accompagnement, mais rien n’est encore figé », a déclaré Frédéric Souillot, secrétaire général de FO. « On doit penser à l’avenir de l’emploi ici, à la reconversion possible, à des solutions durables. Ce site ne doit pas devenir une simple boîte aux lettres pour récupérer des crédits d’impôt. La désindustrialisation doit cesser. »
Les négociations avec la direction se poursuivront jusqu’en octobre.