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Confrontés à un insecte parmi les plus nuisibles d’Europe, trois pays frontaliers s’organisent pour stopper une possible invasion

Publié : 6h00 - Modifié : 10h54
Mandy Vereecken

Des pièges colorés pour traquer un intrus vorace : le 10 juillet à Huningue, de grands dispositifs en plastique jaune et vert ont été installés pour détecter la présence du scarabée japonais (Popillia japonica). Ces pièges contiennent des phéromones femelles destinées à attirer les mâles, parfois complétées par des parfums floraux pour attirer également les femelles. Une fois attiré, l'insecte est piégé dans un récipient muni d’un entonnoir inversé, qui l’empêche de ressortir.


L’objectif principal est de capturer les mâles, explique Marion Delame, responsable du pôle inspection de la DRAAF Grand Est à Strasbourg. Ce type de piégeage s’avère efficace pour limiter la propagation de ce coléoptère classé parmi les menaces végétales les plus sérieuses par l’Union européenne, qui l’a inscrit sur la liste restreinte des "organismes de quarantaine prioritaires". Seuls vingt insectes ou agents pathogènes présentent un tel niveau de danger pour les territoires européens, tant sur les plans agricole, environnemental que socio-économique.


Ce coléoptère est en effet redoutable par son appétit : capable de se nourrir de plus de 300 espèces végétales, il s’attaque aussi bien aux cultures agricoles (maïs, soja, vignes, pommiers, prunus…) qu’aux espaces verts (pelouses, prairies, gazons). Les adultes s’en prennent au feuillage, tandis que les larves dévorent les racines.


Détecté dès 2017 en Suisse et depuis 2021 dans certaines régions d’Allemagne comme Fribourg-en-Brisgau et Ludwigsburg, Popillia japonica a été repéré pour la première fois sur le territoire français à Huningue début juillet. Frauke Renke, experte en santé végétale au centre technologique agricole LTZ à Augustenberg (Bade-Wurtemberg), souligne que la France a été jusque-là épargnée. Elle participe activement aux rencontres transfrontalières entre spécialistes des trois pays pour harmoniser les stratégies de surveillance et de lutte.


Le protocole est désormais bien établi : dès qu’un individu est capturé, dix pièges supplémentaires sont déployés dans un rayon d’un kilomètre pendant au moins deux ans. L’objectif initial est de localiser précisément les zones où l’insecte est présent. Une fois cette cartographie établie, une ceinture de trois kilomètres est définie autour de la zone, sans ajout de pièges, afin d’éviter d’attirer les insectes vers l’extérieur.


À ce stade, les spécimens trouvés en France et en Allemagne sont considérés comme des individus "isolés", probablement arrivés accidentellement, sans qu’une reproduction locale n’ait encore eu lieu. À Fribourg, par exemple, on pense qu’ils sont arrivés par ferroutage, via des trains transportant des camions entre Novarre (Italie) et l’Allemagne. L’Italie, où le scarabée est implanté depuis 2014, peine aujourd’hui à en contrôler la progression.


Si une reproduction est détectée, une troisième phase entre en jeu : élimination de la végétation sur les zones infestées et pose de bâches plastiques pour asphyxier les larves dans le sol. "Nous sommes actuellement en train d’analyser les pièges posés à Fribourg pour déterminer s’il s’agit toujours d’individus isolés ou si une colonie commence à s’installer", explique Frauke Renke. Les résultats sont attendus la semaine suivante.


Ce scarabée, de la taille d’un grain de café, se reconnaît à son thorax vert métallisé, ses élytres bruns et une série de touffes blanches : cinq de chaque côté et deux à l’arrière. Des signes distinctifs qui permettent de le différencier des autres hannetons plus communs dans nos jardins.


En cas d'observation, il est impératif de le signaler à la DRAAF Grand Est, par courriel à : santedesvegetaux.draaf-grand-est@agriculture.gouv.fr, avec l’objet "Signalement Popillia", et en joignant si possible des photos. Tous les détails et les critères d’identification sont disponibles sur le site internet de la DRAAF.